Se préparer à se séparer en douceur : confier son enfant sereinement

• L'avis de l'expert

Quelque soit l’âge de votre enfant, le faire garder par une personne de confiance (garde à domicile etc…) est une étape cruciale de son développement et peut soulever plusieurs enjeux affectifs et relationnels. Ce passage obligé pour grandir de façon épanouie doit être accompagné de manière positive, afin qu’il soit vécu sereinement pour chaque partie concernée.  

Comment accompagner son enfant à prendre son envol et à s’autonomiser ?  

Découvrez dans cet article les fondamentaux sur les besoins des enfants et nos astuces concrètes pour une séparation réussie !

Une étape clef du développement 

Les séparations font partie de la vie : Dès la naissance, puis les premières gardes par un autre membre de la famille, par un lieu d’accueil, par une nounou à domicile, l’école…. 

Autant de séparations fortes en émotions, qui font grandir sereinement si elles sont bien accompagnées !   

Il est important de se séparer peu à peu pour se socialiser et s’ouvrir aux autres : les séparations servent aussi à ouvrir sur le monde extérieur, la richesse des différences. Découvrir un nouvel environnement et d’autres personnes, lieux, fonctionnements… sont autant d’occasion de comprendre le monde !  

Ce que l’on appelle « l’angoisse de séparation » est une des premières étapes clefs et indispensables du développement :  

A partir de 8 mois (approximativement, cela peut être plus tôt ou plus tard), le jeune enfant acquiert peu à peu une mémoire à court terme, ce qui conduit à une angoisse due à la différence entre le familier et l’étranger. Les adultes doivent alors accompagner à comprendre, mettre des mots sur cette peur de la nouveauté. Cette période créée aussi chez le jeune enfant une peur de l’abandon importante : il a besoin d’être beaucoup rassuré et de savoir que son parent reviendra bien le chercher.  

Mais à tous les moments de l’enfance, pas toujours facile non plus en tant que parent de confier son enfant à quelqu’un d’autre, aussi compétent soit-il ! Pour les adultes aussi, la séparation peut réactiver de très fortes émotions, parfois liées à notre propre histoire…

Les enfants sont de véritables éponges qui ressentent les émotions des adultes : plus l’adulte sera lui-même tranquillisé lors de la séparation, plus l’enfant en sera sécurisé et s’autorisera à explorer l’environnement qui l’entoure, sans son parent.

De plus, le jeune enfant a du mal à réguler ses émotions, en particulier avant 6 ans : cela est dû à l’immaturité cognitive des parties du cerveau aidant à gérer les émotions (voir le précédent article d’Elise MAREUIL : accompagner les émotions de l’enfant). Il est essentiel de garder cette notion en tête pour accompagner avec beaucoup de bienveillance les réactions émotionnelles parfois débordantes des enfants. Derrière chaque émotion exprimée ; il y a un besoin : le besoin d’être rassuré, d’être sécurisé, d’être consolé, etc… Plus l’enfant sentira que les adultes répondent à ces besoins fondamentaux, plus il se sentira en sécurité pour que la séparation se passe en douceur. 

Quelque soit l’âge, peu à peu aider son enfant à se « détacher » tranquillement lui permettra de :  

• s’autonomiser,  
• affirmer sa personnalité 
• s’individuer  

Bref, découvrir avec curiosité le monde !

L’IMPORTANCE D’UN ATTACHEMENT SOLIDE 

Pour explorer positivement son environnement sans son parent, l’enfant, quelque que soit son âge, aura eu besoin préalablement de créer une sécurité affective grâce à un attachement solide aux différents adultes qui s’occupent de lui.
On se sépare sereinement quand on est sécurisé : la capacité à se séparer est entièrement liée à la qualité de l’ATTACHEMENT.  

Attention, attachement ne veut pas dire « relation fusionnelle » … : comme l’explique le psychiatre John Bowlby à l’origine de la théorie de l’attachement, ce dernier est justement « un équilibre entre les comportements d’attachement envers les figures parentales et les comportements d’exploration du milieu ». 

Pour se sentir en sécurité, les enfants ont besoin que l’on réponde à 4 besoins affectifs fondamentaux, tout au long de leur enfance : 

1. La confiance : avoir une bonne sécurité intérieure et une bonne confiance en l’extérieur 

1. Le sentiment de se sentir exister : recevoir de l’attention, un regard soutenant de l’adulte, la possibilité d’exercer son autonomie et faire des choix 

1. Le sentiment de se sentir accepté : avoir un lien d’appartenance et la sensation de bénéficier d’une affection inconditionnelle 

1. Le sentiment de se sentir apprécié : bénéficier d’encouragements et d’un regard positif de la part des adultes qui s’occupent de lui 

(Inspiré par les travaux de la psychologue Isabelle FILLIOZAT) 

Le phénomène d’attachement, porté par la réponse à ces besoins fondamentaux, constitue le socle d’une séparation en douceur : c’est une base sécurisante qui conduit peu à peu vers l’autonomie. 

A retenir : 

Chaque enfant va avoir une réaction différente à la séparation, qui ne remet pas en cause l’amour pour ses parents.  

Une séparation sereine ne veut pas forcément dire pas de pleurs… Un enfant se sentant très en sécurité peut justement s’autoriser à exprimer ses émotions…L’important est que ces pleurs n’envahissent pas trop longtemps l’enfant et qu’il puisse jouer et entrer en relation avec son environnement en l’absence du parent. A l’inverse, certains enfants n’extérioriseront pas par des pleurs leur émotions au moment de la séparation, sans que cela veuille dire que la séparation d’avec leur parent ne les touche pas…

La période d’adaptation ou familiarisation 

La période où la famille et la personne à qui est confié l’enfant apprennent à se connaître est essentielle : 

Dans la mesure du possible, et d’autant plus avant l’entrée à l’école maternelle, nous vous conseillons un accueil progressif, favorisant des séparations échelonnées. C’est réellement un temps de découverte, pour apprendre à se connaître en douceur ; prendre le temps de tisser ce fameux lien d’attachement, tout en bénéficiant d’un temps privilégié et personnalisé pour découvrir les habitudes de vie de l’enfant. C’est une période « d’apprivoisement mutuel », où vous pouvez allonger progressivement la durée des séparations. 

C’est justement parce que chacun aura pris le temps de s’attacher, de se découvrir…que l’enfant pourra d’autant mieux se détacher !  

Mais si l’on parle « séparation », il ne faut surtout pas oublier de parler « retrouvailles » : elles sont les deux faces d’une même pièce ! 

Se séparer…pour mieux se retrouver !  

Plus les retrouvailles seront valorisées, plus la séparation en sera facilitée !  

Il est important de parler de ce chacun va faire en l’absence de l’autre et surtout de ce que le duo parent-enfant pourra faire ensemble, au retour ! Ce temps de séparation doit être positivé comme un réel temps d’enrichissement et d’apprentissage. Soulignez auprès de l’enfant les points positifs : jeux, copains, nouvelles découvertes… 

Dans la mesure du possible, il est important de se montrer soi-même tranquille : « tu vas me manquer, mais je pars en te sachant en sécurité et avec tout ce qu’il faut pour jouer et être bien. Qu’est ce tu as envie de faire aujourd’hui avec ta nounou ? » 

En bref, il est utile de bien faire comprendre à l’enfant que l’on s’en va pour mieux revenir… 

• N’hésitez pas à vous appuyer sur votre garde à domicile pour aider à gérer ses temps de séparation et de retrouvailles : c’est une personne ressource car experte dans le domaine ! 

Les clefs pour plus de sérénité !

Les piliers d’une séparation réussie : repères, stabilité et rituels !  

Donnez des repères à l’enfant l’aide à anticiper la situation. L’enfant n’a pas encore la même notion du temps que l’adulte, surtout s’il est petit : Il peut donc être difficile pour lui de comprendre que cette séparation n’est que temporaire. Il est donc essentiel d’aider à l’avance l’enfant à penser ce moment de façon rassurante, et toujours le prévenir du départ. N’hésitez pas à créer des petits rituels pour entourer ce départ (une façon de se faire un câlin ou un bisou ; un jeu pour que l’enfant passe de vos bras à celui de la nounou…) : ces ritualisations rassurent l’enfant. 

Le toucher, le portage, les câlins…sont aussi autant de moments qui rassurent et sécurisent l’enfant.  

Pour les plus petits, n’oublions pas l’importance du fameux « doudou » (l’objet transitionnel – peluche, draps etc…choisi par l’enfant comme objet privilégié) :  

C’est l’objet pour se rassurer dans le lien affectif (odeurs…), réconforter et rassurer : il aide aux transitions comme les séparations et aide à mieux passer les changements.  

A tous âges, n’oublions pas de fournir à l’enfant des objets connus et rassurants, des jouets aimés ; des affaires des parents etc… 

Tout le long de l’enfance, la verbalisation est aussi un des fondements d’une séparation plus zen :  

Expliquez précisément à l’enfant qui va le garder, à quoi il va pouvoir jouer… Indiquez avec des mots simples le pourquoi de ce temps en autonomie : travail, RDV… L’objectif est de l’accompagner à comprendre pourquoi et comment cela va se dérouler, étape par étape.

Le rassurer par des mots bienveillants, en accueillant les émotions vécues : il est important de ne pas nier ce que vit l’enfant ; par exemple ne pas lui dire « ne soit pas triste » mais plutôt : « je comprends que ce soit difficile, mais tu vas bien t’amuser ».

Les astuces concrètes 

Le jeu est un excellent moyen pour accompagner les émotions liées à la séparation. Quelques idées concrètes au fil des âges, à compléter par les astuces de jeu de cet article :  

• Les jeux de coucou-caché ; d’apparition disparition (jeux à boules qui apparaissent et disparaissent alternativement, grands jeux de cache-cache, cacher son visage avec ses mains etc…) 
• Les jeux d’attachement / détachement (par exemple les wagons d’un train ; les jeux de construction…) 
• Dessiner un cœur au creux du poignet de l’enfant, y déposer un bisou et inviter l’enfant à y puiser de l’affection au fil de la journée 
• Créer ensemble une boîte à bisous : dans une petite boîte (à allumettes par exemple), mettre des dessins de cœurs ou lèvres découpées : l’enfant pourra les piocher au fil de ses besoins 
• Créer un album photos (lieux et gens connus, aimés et rassurants) 
• Glisser un objet dans la poche de l’enfant qu’il pourra prendre pour penser à ses parents, ou un mouchoir avec le parfum de ses parents etc… 
• Créer des rituels parents-enfants : 
• Porter le même bracelet, écharpe…. 
• Créer une formule magique unique ; une chanson ; une comptine familiale pour accompagner la séparation 
• Dessiner 
• Travailler en parallèle sur le vécu des émotions avec des livres tels que « la couleur des émotions » ; « gaston la licorne ». 
• Pour les plus petits, de Jeanne Ashbé : « au revoir » ; « à ce soir » 
• Ou le grand classique « Bébés chouettes » 
• Pour les plus grands, le « cahier d’activité des émotions » de Filliozat ; ou « la roue des émotions de bougribouillons » seront des aides utiles ! 

Les séparations font partie des étapes clefs de la vie, elles construisent la personnalité de l’enfant et sa curiosité à découvrir le monde, si elles sont vécues positivement : pour cela, il est essentiel d’anticiper la préparation d’une séparation sereine !

Elise Mareuil 
Experte pédagogique, autrice et formatrice des professionnels de l’enfance. 
Mareuil.elise@gmail.com