L’accompagnement de l’expression des émotions de l’enfant
Etre à l’écoute des émotions des enfants, quelque soit leur âge, est indispensable à leur bon développement : la recherche scientifique a montré clairement le lien entre une relation bienveillante entre adultes et enfants et une régulation des émotions épanouie.
Les adultes entourant l’enfant ont un rôle essentiel à jouer pour accompagner l’expression des émotions : parents et gardes d’enfants peuvent mieux comprendre le comportement émotionnel des tout-petits jusqu’aux adolescents en sachant que le cerveau est immature avant 25 ans pour gérer leurs émotions.
Les émotions
Une émotion est une réaction affective liée à une information que nous donne notre corps, lorsqu’il reçoit un stimulus (événement, interaction, pensée…), qui déclenche des réactions physiologiques et involontaires, comme un réflexe. Il existe 6 émotions de base : Joie, peur, colère, tristesse, dégoût, surprise.
Elles déclenchent des comportements instinctifs et des réactions archaïques qui envahissent totalement l’enfant : ses réactions de colère peuvent être très explosives et l’accompagnement bienveillant d’un adulte empathique est alors nécessaire pour aider à calmer les différents mécanismes cérébraux et hormonaux à l’œuvre.
Toutes les émotions sont utiles : il n’y a pas de bonnes et de mauvaises émotions, car une émotion est un indicateur pour réagir à une situation et qui se compose de 3 phases :
La charge = La situation qui interpelle (par exemple le départ d’un parent qui rend triste le matin)
La tension = Le corps se prépare à réagir (par exemple lorsque l’on a peur, par automatisme le corps se prépare à attaquer, fuir ou se figer)
La décharge = pleurs, cris etc …
Au cours de ces 3 phases, il est essentiel de favoriser l’expression de l’émotion et accompagner avec douceur l’enfant, car réprimer une émotion (« ce n’est rien ! » ; « ce n’est pas grave » ; ne pleure pas, tu es fort ! » etc…) revient à laisser l’enfant en tension et les émotions risquent alors de se « décharger » de façon non adaptée, par exemple par de l’agressivité. Le rôle de la famille ou de la garde d’enfant sera alors essentiel pour accompagner la décharge de façon contenante par un câlin, la parole…
Un cerveau immature pour gérer les émotions
L’immaturité cognitive des systèmes cérébraux permettant de réguler les émotions explique pourquoi les enfants ont des émotions très intenses et les expriment parfois de façon extrême, avec une difficulté à réguler les comportements liés.
Le cortex orbito-frontal, qui contrôle nos émotions, ne commence réellement à mûrir qu’après 5 ans. Avant cet âge, le fonctionnement cérébral est dominé par le cerveau archaïque (ou reptilien) qui mène à des réactions incontrôlées, de grands chagrins, des peurs parfois terribles, des colères débordantes ! Il ne s’agit pas de caprices, mais bien de tempêtes émotionnelles.
La compréhension empathique de ce phénomène est alors essentielle pour accompagner les enfants de tous âges à réguler ces comportements instinctifs. Plus l’enfant aura été accompagné avec bienveillance dès le plus jeune âge à exprimer ses émotions, plus le cerveau mûrira pour mieux maîtriser ces pulsions et réactions archaïques, qui s’apparentent parfois à de la détresse. Il est essentiel de comprendre que plus il est jeune, moins l’enfant est en capacité de se calmer seul.
D’ailleurs, vous aussi adulte n’avez-vous pas parfois le plus grand mal à contrôler vos colères ou les larmes qui vous montent aux yeux ?
J’aime utiliser l’image d’un cheval : il faut un bon cavalier pour maîtriser un cheval, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain ! Il faut l’apprivoiser et c’est un adulte qui apprend à l’enfant à maîtriser le cheval. C’est la même chose avec les émotions : avant de savoir les réguler seul, l’enfant aura besoin d’un adulte pour apprendre à comprendre ce qu’il vit puis intégrer peu à peu des comportements respectueux pour lui et les autres.
Plus il est petit, plus l’enfant a besoin de l’adulte pour s’apaiser : s’il n’est pas accompagné, il va sécréter une hormone de stress appelée « cortisol », qui est extrêmement nocive pour le bon développement du cerveau.
Les recherches en neurosciences nous ont permis de mieux comprendre que le cerveau humain atteint la maturité à 25 ans : il bénéficie d’une grande plasticité cérébrale avant 6 ans, et il va construire peu à peu les connexions entre le cerveau émotionnel et le cortex frontal qui permet la réflexion : ces connexions évoluent d’autant mieux et vite que l’enfant grandit dans un environnement bienveillant. Cette plasticité cérébrale est aussi à l’œuvre à la pré-adolescence et à l’adolescence, ce qui peut mener à une grande instabilité émotionnelle durant cette période délicate.
Aider son enfant a exprimer ses emotions – Expert – Family Sphere
Les essentiels à retenir :
- Le cerveau de l’enfant est immature émotionnellement.
- Même une fois plus mature, les émotions fortes déconnectent les parties cérébrales liées à la réflexion.
- Un enfant submergé par ses émotions n’est plus en capacité d’écouter et d’intégrer une règle.
L’enfant apprend par la répétition, y compris à réguler les émotions : même si l’adulte a répété de nombreuses fois, il faudra faire preuve de patience et bienveillance avant que l’enfant n’intègre les comportements adaptés, comprenne ses émotions et tende à les réguler. Bref, ne vous découragez pas : répétez avec empathie et accompagner avec bienveillance sont les meilleurs ingrédients d’une recette réussie pour accompagner l’expression des émotions !
Comment accompagner concrètement ?
Plus l’enfant aura bénéficié d’expériences empathiques et d’interactions positives, plus il sera capable en vieillissant d’identifier, comprendre, accueillir puis réguler ses émotions. Pour cela, il aura eu besoin d’un adulte capable de l’aider dès le plus jeune âge à reconnaître les émotions, les nommer, les apprivoiser. Le cerveau étant très malléable, il sera affecté positivement ou négativement par les relations affectives qu’il va développer : si l’adulte nie ou bloque les émotions du tout-petit, cela modifie sa construction cérébrale. Une relation avec un attachement bien solide et une véritable sécurité affective est la base d’un épanouissement de l’enfant.
Cependant, pas toujours simple de faire face à des émotions débordantes, quel que soit l’âge de l’enfant ! Alors, concrètement comment accompagner ?
La première étape, et la plus importante, est de reconnaître et accueillir l’émotion de l’enfant (« Je vois qu’il se passe quelque chose de difficile pour toi »).
La seconde étape et d’accompagner à retrouver une situation plus calme, avec douceur (rassurer avec des mots doux, faire un câlin…)
La troisième étape, lorsque cela est possible, est d’identifier le besoin à l’origine de l’émotion. En effet, c’est la non-satisfaction des besoins qui déclenche une émotion : il faut donc chercher la cause du comportement avant de vouloir traiter les conséquences (l’émotion) ! Il est important d’accompagner l’enfant à identifier le besoin qui a déclenché l’émotion, qui est justement utile pour indiquer un besoin non satisfait.
Une fois l’enfant revenu au calme, dans une quatrième étape, l’on pourra expliquer à l’enfant ce qu’il a vécu et pourquoi. Aider l’enfant à développer son vocabulaire émotionnel favorise la compréhension des émotions.
Enfin, il sera important de donner à l’enfant des repères et proposer une autre façon plus appropriée d’exprimer son émotion et trouver ensemble la bonne attitude.
Soulignons qu’être à l’écoute des émotions ne veut pas dire laxisme ! Comprendre n’est pas tout accepter : il faut absolument distinguer le comportement de l’émotion : un enfant a le droit d’être en colère parce qu’on lui a pris une petite voiture, mais il n’a pas le droit de taper pour autant. Un pré-ado a le droit de ne pas apprécier qu’on lui demande de couper un jeu vidéo, mais pas de répondre agressivement pour autant.
L’enfant aura besoin de se sentir encouragé avec douceur dans ce long processus qu’est la régulation des émotions : il apprend d’autant mieux qu’il se sent valorisé et que l’on communique avec lui positivement. La communication sur le vécu des émotions, poser des mots sur ce que l’enfant ressent est une clef essentielle de cette démarche.
Enfin, n’oublions pas que l’enseignement le plus puissant est…l’exemple et l’imitation de l’adulte ! Il n’est par exemple pas productif de demander à un enfant en hurlant de se calmer.
Pour accompagner concrètement ces 5 étapes, différents outils vous seront très utiles !
Des outils
- Le jeu reste le meilleur moyen pour favoriser l’expression des émotions, à tout âge. Il existe aujourd’hui de nombreux jeux autour des émotions (par exemple le jeu de société « je découvre les émotions » de Nathan). Il est aussi important d’avoir des personnages, figurines, maisons de poupées etc… grâce auxquels l’enfant pourra rejouer des scènes, en inventer, consoler une poupée etc…
- Pour certains enfants, une émotion forte est aussi une tempête sensorielle. Il faut alors passer par le corps pour accompagner l’émotion : donner des coups dans un coussin, lancer des ballons, crier, déchirer une feuille ou la froisser puis la lancer dans une « boite à colère », faire un gros câlin très fort ; des bercements… Le contact physique aide à sécréter de l’ocytocine, l’hormone du bien-être et de l’attachement et à calmer le système nerveux.
- L’enfant à aussi besoin de se défouler : l’exercice physique, le mouvement, le contact avec la nature…sont autant d’éléments qui jouent dans la régulation des émotions.
- Les activités artistiques sont aussi une belle façon d’exprimer ses émotions : peinture, dessin, musique etc…sont autant de façons d’extérioriser son vécu émotionnel !
- Le yoga, la relaxation pour enfants
Quelques idées (à adapter selon l’âge de l’enfant) :
De 5 ans à 99 ans ! : Le dessin animé « Vice versa » de Pixar
3-10 ans : Les outils et livres de « Gaston la licorne »
Tous âges : les outils du site « Bougribouillons« (notamment cartes et roues des émotions)
Livres :
Avant 5 ans : « Grosse colère » ; « La couleur des émotions » ; « Va t’en grand monstre vert » ; « Beaucoup de beaux bébés » ; « Le livre en colère » ; « Le livre qui a peur »
A partir de 4 ans : « Calme et attentif comme une grenouille »
A partir de 5 ans : Le cahier d’activités « Mes émotions »
Pour les adolescents : « Que se passe t’il en moi ? » D’Isabelle Filliozat
D’autres astuces sur : https://www.family-sphere.com/le-mag/accueillir-les-emotions-de-lenfant/
Elise Mareuil
Experte pédagogique, autrice et formatrice des professionnels de l’enfance.
Mareuil.elise@gmail.com